Abstract
En 2004 a réémergé la « Flat Earth Society » promouvant l’hypothèse que la Terre est plate. Présentée comme une vérité, soutenue par des « faits » diffusés à longueur de vidéos sur Internet, cette hypothèse s’accompagne d’une vaste théorie du complot. Scientifiques, enseignants, journalistes, politiques, nombreux sont ceux qui tenteraient de masquer la vérité biblique, ou d’accumuler argent et pouvoir via les faux budgets spatiaux, ou encore de cacher le mensonge de l’atterrissage sur la Lune. Dans cette vision du monde, s’opposent ceux qui savent et ceux qui mentent, les amis flat-earthers et les ennemis tour à tour ignorants volontaires ou parties prenantes du complot.
À l’inverse, la Terre ronde est historiquement liée à des formes – peut-être encore émergentes – de cosmopolitisme, où les conflits n’empêchent pas la conscience d’une interdépendance, d’une communauté de savoir et d’une responsabilité collective vis-à-vis de ce même corps sur et avec lequel nous habitons. Il n’est donc aujourd’hui plus absurde de rappeler que la rotondité de la Terre n’est pas seulement une vérité à opposer aux pseudo-sciences, mais également une question cruciale d’épistémologie politique. Comme l’écrit Bruno Latour :
Tout le monde savait que la Terre était ronde, objectera-t-on ? Non, pas vraiment ; on le savait d’un savoir diffus, abstrait, lointain, en regardant les globes de nos salles de classe, en contemplant les photos de la planète bleue : pas encore de quoi la « ressentir » comme ronde…